Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n°2/2017). John Seaman, chercheur au Centre Asie de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Jean-François Huchet, La crise environnementale en Chine. Évolutions et limites des politiques publiques (Presses de Sciences Po, 2016, 152 pages).

Crise environnementale en Chine

Une conséquence néfaste de l’essor économique chinois – qui a permis de sortir plusieurs centaines de millions de personnes de la pauvreté – est le cauchemar environnemental qu’il a généré. Ce n’est certes pas une particularité de la Chine, mais comme l’explique Jean-François Huchet, la crise y est d’une ampleur inédite. Paradoxalement, c’est la vitalité de l’économie chinoise qui est à terme menacée, et donc la stabilité politique du pays.

S’engageant dans la voie ouverte par Benoît Vermander (Chine brune ou Chine verte ? Les dilemmes de l’État-parti, 2007), Jean-François Huchet, professeur à l’Inalco et spécialiste du monde économique et industriel chinois, concentre son propos sur l’étendue de la crise environnementale du pays, offrant une introduction concise mais sérieuse sur le sujet. Il commence par un inventaire assez complet des manifestations extérieures de cette crise (pollution atmosphérique ; épuisement des nappes phréatiques et pollution généralisée de l’eau en Chine ; dégradation des sols, érosion et désertification ; gestion insuffisante des déchets industriels et ménagers). Mais, de l’aveu de l’auteur, les coûts humains et économiques restent sous-étudiés, bien que certains soient clairement visibles.

Pour aller plus loin, les effets internationaux engendrés par cette crise restent aussi à explorer : l’impact sur le changement climatique est bien étudié, mais d’autres sphères, comme la biodiversité maritime ou la pollution transfrontalière, le sont moins, même de manière générale, dans la littérature spécialisée. Jean-François Huchet s’attaque ensuite à l’identification des causes structurelles de la crise, notamment une conception persistante, née sous Mao Zedong, des rapports homme-nature qui favorisent l’exploitation vers l’épuisement de cette dernière : le poids inéluctable de la question démographique, l’urbanisation frénétique, les choix énergétiques (place centrale au charbon) et, tout simplement, l’échelle absolue de l’économie chinoise.

Pour surmonter cette crise, la Chine se réveille certes, mais tardivement, et de manière encore insuffisante pour l’auteur. Il est vrai que la population chinoise – avec en premier lieu la classe moyenne urbaine – semble s’engager davantage, que les autorités à Pékin affichent désormais une volonté politique plus forte en matière de protection environnementale, que des réformes administratives et juridiques progressent dans le domaine, et qu’une transformation économique est amorcée, qui favorise (et se base quelque part sur) le développement des énergies renouvelables et des industries moins polluantes.

Toutefois, nous explique l’auteur, la Chine est bien loin de sortir du bois : les questions structurelles pèsent encore lourdement, et redessiner les liens complexes entre le développement économique, l’autorité politique et la protection environnementale à différents niveaux n’est pas chose facile (effets de la décentralisation, influence des lobbies industriels, culture de consommation prédominante…) La Chine restera pendant un certain temps un pays à deux vitesses sur la question : en marche vers le développement des solutions environnementales, tout en persistant dans des activités effrénées qui épuisent les écosystèmes chinois et planétaires.

John Seaman

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