Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage d’Alaric Searle, Armoured Warfare: A Military, Political and Global History (Bloomsbury, 2017, 288 pages).
Alaric Searle ambitionne d’écrire une histoire du combat blindé dépassant l’étude d’une campagne, d’une armée nationale ou des technologies. L’approche suivie par l’auteur est chronologique, chaque chapitre éclairant un moment phare de l’évolution du combat blindé.
Après une introduction qui revient notamment sur la terminologie utilisée, le livre s’ouvre logiquement sur les débuts des chars d’assaut pendant la Première Guerre mondiale. Les résultats initiaux sont décevants. Les problèmes mécaniques sont multiples et une doctrine d’emploi performante fait défaut. Les progrès sont cependant rapides et, en 1918, l’efficacité militaire des chars s’est largement améliorée. La période de l’entre-deux-guerres est ensuite paradoxale pour le combat blindé, entre progrès et stagnation selon les pays et les années. Pour les Britanniques par exemple, l’immédiat après-guerre est un moment de foisonnement, en particulier doctrinal, avec la publication de plusieurs manuels dédiés au combat blindé. Cependant, dès les années 1930, un fort retour du conservatisme au sein de l’institution militaire britannique empêche une intégration totale de la dimension blindée.
Un chapitre est ensuite consacré à la Blitzkrieg et à ses succès initiaux en 1939-1941. Searle cherche à faire la part du mythe et de la réalité autour de ce concept qui n’a jamais été formalisé par les Allemands. La Blitzkrieg ne survit pas à la campagne de Russie. Les Soviétiques reprennent le dessus, puis submergent les armées du Reich en produisant beaucoup plus de chars, mais aussi par leur capacité à mieux utiliser leurs unités blindées. L’auteur consacre également un chapitre au combat blindé dans les guerres de Corée (1950-1953), d’Indochine (1946-1954) et du Vietnam (1962-1972), trois théâtres d’opérations qui démontrent, selon lui, que l’emploi des chars n’est pas confiné aux plaines d’Europe centrale.
Les conflits israélo-arabes entre 1948 et 2006 font légitimement l’objet d’un long développement. Ils fournissent en effet de nombreux exemples ou contre-exemples d’emploi de grandes formations blindées. Les guerres d’Irak et du Golfe (1980-2016) ne sont pas oubliées. On soulignera ici des réflexions bienvenues sur la guerre Iran-Irak (1980-1988) au cours de laquelle les pertes massives de chars et de véhicules blindés, quel que soit le camp, ont démontré un manque de maîtrise de la planification, de la logistique et de la doctrine d’emploi des unités blindées.
Le dixième et dernier chapitre est sûrement celui qui suscite le plus de réflexions. Il aborde la question du « rôle politique » du char à travers les symboles qu’il représente, que ce soit celui de la victoire, comme lors des défilés, de l’oppression (Budapest 1956, Tiananmen 1989), ou de la puissance technologique d’un pays via la production d’un char de combat national. Il est dommage que la question de l’existence d’un message politique lié à l’envoi des chars sur un théâtre d’opérations ne soit pas évoquée. Peut-être cela n’est-il qu’un débat franco-français…
Au final, même si ce livre n’offre pas l’histoire globale annoncée en restant dans des sujets d’étude plutôt traditionnels (quid des Sud-Africains en Angola, par exemple ?), il donne une perspective historique intéressante sur le combat blindé et ses caractéristiques générales. L’ouvrage d’Alaric Searle est une utile introduction, tant pour l’historien que pour le praticien.
Rémy Hémez
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