Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2017). Clélie Nallet, chercheur au Programme Afrique subsaharienne de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage Pierre Jacquemot, L’Afrique des possibles. Les défis de l’émergence
(Karthala, 2016, 336 pages).
L’« émergence » africaine est devenue un thème routinier des cabinets de conseil en investissement, de la littérature économique en général, et de la communication d’un nombre croissant d’États africains. Les dynamiques socio-économiques et politiques que recouvre le récit de l’émergence du continent sont néanmoins complexes. L’ouvrage de Pierre Jacquemot en offre un panorama complet et nuancé.
Fort de ses expériences de diplomate et de chercheur, l’auteur traite un nombre important de thématiques : pression démographique, paysanneries et défis alimentaires, performances économiques, villes, climat, systèmes éducatif et de santé, entreprenariat, partenaires du continent, investissements et aide, intégration et migrations, stratification sociale, inégalités, etc. Trois axes forts se dégagent ainsi pour l’analyse : les dynamiques socio-économiques en cours, les États et la gouvernance, la place du continent dans la mondialisation.
La multiplicité des thèmes abordés et l’étendue de la zone géographique concernée font de ce livre un ouvrage de généralisation. Conduit avec agilité, il constitue une référence pour qui souhaite acquérir une vision à la fois globale et fine du continent. L’auteur ne se contente pas de rappeler que l’Afrique subsaharienne est composée de 49 pays aux trajectoires et situations variées. Il illustre cette diversité par des exemples révélateurs de disparités inter- et intra-nationales. Les grandes dynamiques du continent, telles que la croissance démographique et l’urbanisation, sont toujours remises en perspective, et connectées aux cadres d’analyse de l’économie politique de l’Afrique contemporaine.
L’auteur échappe ainsi à la « dialectique du désespoir et de l’euphorie », du « chaos et du futur radieux », qui surgit trop souvent dès que l’on parle du continent africain. On dépeint ici un continent qui « ne va ni bien ni mal », qui connaît des transformations socio-économiques et démographiques importantes, et dont l’avenir est aujourd’hui incertain. Alors que l’impressionnante croissance de la population est régulièrement présentée comme une « bonne nouvelle », l’auteur parle de transition démographique inachevée et d’un dividende démographique (essor d’une population jeune venant gonfler les rangs de la population active et créer de la croissance économique) plus potentiel que réel pour le moment. Sa concrétisation dépendra de l’évolution à venir des taux de fécondité, ainsi que de la capacité des économies, et des États, à créer un marché du travail capable d’absorber le nombre grandissant de jeunes actifs potentiels.
L’ouvrage se clôt sur l’exercice délicat des scénarios prospectifs, et sur l’identification des conditions qui permettraient d’atteindre le scénario le plus souhaitable : celui d’une
« émergence durable et inclusive ». Les réponses sont plurielles et indéterminées :
« L’avenir a ses ruses. Il est ouvert, en dépit des inerties du dedans et des contraintes
du dehors, des défis à relever comme des opportunités qui se présentent, anticipées
ou imprévisibles. »
Clélie Nallet
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