Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n° 2/2018). Sebastian Nieto-Parra propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Esteban Pérez Caldentey et Matias Vernengo, Why Latin American Nations Fails: Development Strategies in the Twenty-First Century (University of California Press, 2017, 240 pages).
En reprenant le titre de Daron Acemoglu et James Robinson (2012), Why Nations Fail, ce livre s’intéresse au rôle que jouent les institutions pour soutenir le développement en Amérique latine. Le point de départ de cet ouvrage est de montrer que les moteurs clés de la croissance économique vont au-delà du caractère néoclassique d’une fonction de production composée des facteurs travail, capital et du changement technologique. Dans ce contexte-là, les institutions sont souvent liées uniquement à la réduction des coûts de transaction. Ce livre insiste sur le fait que la spécialisation soutenue de la production des matières premières, depuis l’époque coloniale, a joué un rôle clé dans l’évolution des institutions. Pour accomplir avec succès un développement économique, il est donc nécessaire d’établir un nouveau cadre institutionnel qui soutienne un changement du modèle de production dans la région.
L’ouvrage avance une série de recommandations de politiques publiques pour traiter les institutions dans la région. Tout d’abord, pour promouvoir le développement, il serait important que les gouvernements soient plus forts, tout en étant plus flexibles et dynamiques dans de nombreux domaines qui dépassent les simples droits de propriété. Cela inclut, entre autres, les politiques d’investissement, d’innovation ou d’éducation. Dans ce cadre, les gouvernements ne doivent pas se limiter à un rôle d’arbitre ou de régulateur, mais ils doivent être des acteurs fondamentaux pour la définition et l’établissement des institutions.
En outre, ce livre insiste sur le fait que les institutions doivent soutenir les politiques orientées vers la demande plutôt que vers l’offre. Dans cette optique, il est nécessaire de développer des politiques actives susceptibles de soutenir la croissance, par exemple en appuyant le financement de la R&D et en développant l’innovation.
Au-delà de l’argumentaire présenté dans cet ouvrage, d’autres éléments, actuellement au centre de l’agenda politique de la région, méritent d’être pris en considération. Premièrement, le niveau élevé des inégalités territoriales appelle à la mise en œuvre de politiques de diversification et de redistribution plus adaptées. Deuxièmement, les institutions ont un rôle à jouer pour réduire l’informalité qui caractérise encore près de la moitié des travailleurs de la région. Troisièmement, elles peuvent accompagner les demandes d’une classe moyenne émergente qui aspire à de meilleurs services publics.
Enfin, cet ouvrage estime que les institutions pour le développement doivent tenir compte de l’autonomie des bureaucraties. Cela suppose le développement d’une administration professionnelle et qualifiée, et la mise en place d’institutions publiques fortes, indépendantes du cycle électoral, et dotées de ressources humaines et financières suffisant à leur fonctionnement.
Pour réaliser cette série d’analyses et proposer ses recommandations, ce livre comprend huit chapitres distribués en deux parties. La première étudie l’organisation institutionnelle de la région sous différents angles. La deuxième présente les défis du développement et avance les politiques à suivre.
Cet ouvrage est essentiel pour mieux comprendre le rôle des institutions dans les économies qui se situent dans la tranche supérieure des revenus intermédiaires, comme c’est le cas de la plupart des pays d’Amérique latine.
Sebastian Nieto-Parra
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