Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n° 2/2018). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Dan Reiter, The Sword’s Other Edge: Trade-Offs in the Pursuit of Military Effectiveness (Cambridge University Press, 2017, 280 pages).

La plupart des contributions à cet ouvrage collectif dirigé par Dan Reiter – professeur de science politique à l’université Emory – sont issues de communications données lors d’un séminaire de 2015 consacré à l’efficacité militaire. Les études dédiées à cette thématique sont nombreuses. Certaines sont devenues des classiques, à l’instar de Military Effectiveness, trois volumes dirigés par Allan R. Millett et Williamson Murray. Cependant, l’ouvrage dirigé par Dan Reiter aborde la question de façon singulière. Les auteurs se consacrent en effet à l’analyse des contrecoups de la recherche de la performance tactique et stratégique.

Les contributions, au nombre de neuf, sont très diverses. Elles traitent des conséquences sur l’efficacité des différentes façons de financer une guerre, des sources de la performance dans les opérations de contre-insurrection – avec une étude de cas intéressante sur l’armée philippine entre 2000 et 2008, qui présente des statistiques inédites –, ou encore des risques d’escalade nucléaire liés à une trop grande efficacité militaire conventionnelle.

Trois contributions retiennent plus particulièrement l’attention. La première, d’Emanuele Castelli et Lorenzo Zambernardi, est une bonne synthèse sur les effets négatifs que peut avoir, pour une force, la recherche de protection. La question est analysée sous plusieurs angles : la dépendance vis-à-vis des frappes aériennes pour éviter de s’engager au sol ; le
« déploiement sans le combat » via, par exemple, le mentoring ; ou encore les mesures techniques prises afin d’améliorer la protection de la force, comme l’emploi de véhicules lourdement blindés.

La deuxième, écrite par Jason Lyall – Forced to fight –, est certainement la plus originale du livre. L’auteur y étudie l’utilisation de la coercition, et particulièrement d’unités chargées de la mise en place d’un cordon de contrôle à l’arrière du front. À partir de l’étude des batailles de Koursk et Stalingrad, Lyall montre que les mesures de contrôle permettent de maintenir la cohésion d’unités qui, sinon, se seraient probablement délitées. Mais le coût de ce type de mesures est prohibitif. La combinaison d’exécutions sommaires, de vengeances contre les officiers, d’automutilations, et d’absence d’esprit d’initiative entraîne des taux de pertes bien supérieurs à la moyenne. Ces méthodes créent aussi une atmosphère « tuer ou être tué », qui concourt à la « barbarisation » de la guerre.

Enfin, Michael Horowitz participe à l’ouvrage avec un examen des effets sur l’efficacité militaire de l’intégration croissante de la robotique et des systèmes autonomes. Pour ce faire, il présente d’abord les aptitudes actuelles et futures des drones aériens concernant la puissance de feu, la mobilité, l’endurance et les capacités de communication. Dans le domaine de la robotique terrestre, sont étudiés les différents scénarios d’intégration dans les appareils militaires : la substitution « un pour un » (un robot terrestre remplace un char, par exemple), l’insistance sur la masse (essaims) ou l’interaction hommes/machines.

Cet ouvrage offre d’intéressants travaux de recherche sur des sujets peu traités. Les chercheurs dans le domaine de la défense y trouveront de nombreuses réflexions et données utiles et, certainement, des pistes à approfondir.

Rémy Hémez

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