Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°3/2018). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de Scott A. Snyder, South Korea at the Crossroads: Autonomy and Alliance in an Era of Rival Powers (Columbia University Press, 2018, 360 pages).
La politique étrangère sud-coréenne se caractérise depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953) par la recherche d’un équilibre entre désir d’autonomie et besoin de maintenir l’alliance avec les États-Unis pour assurer sa sécurité et sa prospérité. Le livre de Scott Snyder est une chronique de cette quête. Spécialiste de la Corée du Sud au Council on Foreign Relations, l’auteur a déjà publié plusieurs ouvrages, dont The Japan-South Korea Identity Clash: East Asian Security and the United States (2015, coécrit avec Brad Glosserman[1]). Il nous offre ici une solide introduction à l’histoire récente et à l’actualité de la politique étrangère sud-coréenne. Il montre bien que, pendant toute la période étudiée, les choix stratégiques de Séoul ont été contraints par la faiblesse relative d’un pays entouré de puissantes nations.
Les six premiers chapitres abordent chronologiquement les choix stratégiques des dirigeants sud-coréens, de la fin de la guerre de Corée à la présidence de Park Geun-Hye (2013-2017). La deuxième partie du livre se compose, elle, de chapitres thématiques. C’est la question du statut de puissance moyenne de la Corée du Sud qui est d’abord analysée. Elle est abordée sous l’angle d’un paradoxe : des moyens grandissants – aujourd’hui la onzième puissance économique mondiale – ont donné au pays la capacité de jouer un rôle constructif dans les affaires internationales, et à ses dirigeants comme à sa population l’espoir de disposer d’une plus grande autonomie. Pourtant, aujourd’hui, les options stratégiques de Séoul demeurent extrêmement contraintes vu la complexité de son environnement régional. Un chapitre aborde d’ailleurs la question du difficile équilibre que la Corée du Sud doit maintenir entre États-Unis et Chine. Washington demeure une garantie de sécurité incontournable pour Séoul, mais la Chine, dont les échanges commerciaux avec la Corée du Sud ont dépassé la somme de ceux avec les États-Unis et le Japon, est un partenaire qu’il est impossible de s’aliéner, au risque de remettre en cause la prospérité économique.
La question de l’unification constitue le thème d’une autre partie. L’auteur explique très bien que cet objectif n’est aujourd’hui pas prioritaire par rapport à la croissance économique et à la sécurité. La population sud-coréenne n’est clairement pas prête à sacrifier son niveau de vie actuel. En guise d’épilogue, Snyder s’attache à dresser quelques perspectives d’avenir sur la durabilité de l’alliance entre Corée du Sud et États-Unis sous l’administration Trump, ou encore sur l’influence de la puissance grandissante de la Chine sur les choix stratégiques à venir de Séoul.
Ce livre ne dévoile rien d’inédit, l’auteur n’ayant pas consulté, par exemple, d’archives nouvelles. Cependant, grâce à la mise en perspective historique, à un remarquable travail de synthèse et à la pertinence des réflexions proposées, il constituera une excellente base de travail pour tous ceux qui s’intéressent à la Corée du Sud en particulier, et à l’Asie en général.
Rémy Hémez
[1]. Cet ouvrage a fait l’objet d’une recension dans le numéro de printemps 2016 de Politique étrangère (n° 1-2016), p. 208-209.
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