Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2021 de Politique étrangère (n° 2/2021). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de Ben Barry, Blood, Metal, and Dust: How Victory Turned into Defeat in Afghanistan and Iraq (Osprey Publishing, 2020, 528 pages).

Une première synthèse en un seul volume à propos des guerres d’Irak et d’Afghanistan est donc enfin disponible : concise, perspicace, agréable à lire. Un ouvrage de référence dans lequel Ben Barry utilise son passé militaire – général de brigade, il a servi dans l’armée britannique et jouit d’une grande expérience opérationnelle – et ses fonctions actuelles de chercheur à l’International Institute for Strategic Studies.

Le livre s’organise en 15 chapitres chronologiques. Après un rapide mais intéressant point sur l’expérience opérationnelle américaine et britannique avant 2001, l’auteur débute avec l’intervention en Afghanistan, dont le style est très influencé par les personnalités de Donald Rumsfeld et du général Tommy Franks. Entre 2002 et 2005, il s’agit de stabiliser le pays, mais à moindre coût : dès fin 2001, la planification de l’attaque de l’Irak accapare de plus en plus attention et moyens. Le retour des Talibans ne peut être empêché.

L’auteur enchaîne donc avec l’invasion de l’Irak. Le chapitre consacré à Cobra II – le plus volumineux du livre avec 80 pages – décrit toutes les étapes de cette opération à succès. Les lendemains sont néanmoins difficiles. La période 2003-2004 est clairement une « descente dans le chaos », provoquée par des erreurs stratégiques manifestes, exacerbées par « des tactiques sub-optimales ». Une stratégie de transition, mise en œuvre en 2004-2006, aboutit notamment à un changement de l’équilibre des forces en faveur de la Coalition en Anbar – un tournant dans la campagne militaire.

C’est ensuite le surge, qui participe à l’inversion de la situation sécuritaire et permet de restaurer la confiance de la population irakienne dans la coalition. Un éclairage lucide est porté sur les performances de l’armée britannique dans un excellent chapitre dédié à son action à Bassora. Dans le dernier quart du livre, l’auteur revient à la guerre en Afghanistan, d’abord avec la période 2006-2009, jalonnée par la bataille pour le sud du pays, puis au travers du surge de 2009, enfin en analysant l’échec de la transition. Le livre comprend également un chapitre non chronologique dédié à l’adaptation des armées américaines et britanniques pendant ces deux conflits, entre autres dans le domaine de la lutte contre les engins explosifs improvisés.

La conclusion de chaque chapitre est l’occasion d’un « audit de la guerre » : quelques paragraphes pertinents et percutants s’attachent à dégager les grandes leçons de ce qui a été décrit. Le dernier chapitre du livre, « Bloody Lessons », y est tout entier consacré. On y retrouve le ton critique de l’auteur. Il qualifie la décision américaine d’attaquer l’Irak en 2003 de « plus grande erreur stratégique de toutes », et conclut son analyse par cette sentence : « Les victimes innocentes du 11 Septembre, […] les pertes subies par les forces américaines et leurs alliés, et le bien plus grand nombre de victimes militaires et civiles des deux guerres méritaient un bien meilleur leadership stratégique. […] Ils méritaient bien mieux pour tout le sang, le métal et l’or dépensés uniquement pour être transformés en poussière. » Ben Barry offre ici un ouvrage de référence, indispensable pour tous ceux qui s’intéressent aux conflits contemporains.

Rémy Hémez

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