Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2021-2022 de Politique étrangère (n° 4/2021). Aurore Colin propose une analyse de l’ouvrage de Peter Newell, Power Shift: The Global Political Economy of Energy Transitions (Cambridge University Press, 2021, 352 pages).

Peter Newell livre une analyse dense et documentée des enjeux institutionnels, économiques et financiers de la transition énergétique. Il rappelle l’ampleur et le caractère inédits de la crise climatique et des mutations nécessaires pour la surmonter : cette crise résulte d’années de déni climatique, d’une longue incapacité à reconnaître l’épuisement des ressources et de la réticence à considérer l’efficacité énergétique ainsi que la réduction de la demande en énergie.

Face à ce constat, Peter Newell propose une réflexion autour de cinq grands enjeux pour modifier les relations de pouvoir actuelles et engager les mutations nécessaires. Il s’intéresse tout d’abord aux différentes façons de « penser » la transition énergétique. Cette première partie aborde des questions parfois très techniques, mais appuyée sur une littérature riche des différentes théories de la transition.

L’auteur aborde ensuite l’organisation de la production d’énergie, estimant
nécessaire de modifier sa gouvernance et son financement. Il défend notamment l’idée que la transition ne pourra pas se faire grâce aux mécanismes de marché – remettant ainsi en cause l’efficacité des marchés du carbone. Le rôle de la finance dans cette transition est également analysé : elle a un rôle important à jouer à condition qu’elle soit « régulée » et réorientée vers l’investissement long terme et bas carbone. Ce qui implique de sortir d’une logique de recherche de rendement rapide et maximal.

La partie suivante aborde les questions de gouvernance de la transition énergétique et l’auteur y insiste sur le rôle clé des États. Enfin, la mobilisation de la société civile est analysée dans une dernière partie : l’histoire nous apprend que la mobilisation « massive » de la société civile est nécessaire aux changements profonds et durables dans le monde de l’énergie.

L’auteur montre qu’il n’y aura pas de transition énergétique socialement juste sans transitions économique, financière et politique. Il met en garde contre le risque d’une transition top-down menée, gouvernée, par les acteurs en place (les incumbents) qui reproduirait les logiques de production intensive et extractive actuelles, et se traduirait par une aggravation des inégalités. Pour Peter Newell, la transition souhaitable et juste socialement devra passer par une décentralisation de la production et de la gouvernance de l’énergie, pour redonner le pouvoir aux « communautés ». Ce qui implique un vrai changement de nos modèles énergétiques.

L’ouvrage de Peter Newell reflète toute la complexité du lien de nos sociétés avec l’énergie, et l’ampleur des mutations nécessaires pour réussir la transition. Il pâtit cependant du manque de fil conducteur et d’un cadre analytique clairement défini qui en faciliteraient la lecture. L’ouvrage complexe et parfois technique semble ainsi s’adresser à un public déjà averti et connaisseur des enjeux globaux liés à l’énergie et à la transition vers une économie bas carbone. Il n’en reste pas moins une source d’informations, d’exemples historiques et de réflexions pertinents, voire incontournables, pour comprendre les implications institutionnelles, économiques, financières et sociétales de la transition énergétique à l’échelle globale.

Aurore Colin

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