Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2023 de Politique étrangère (n° 4/2023). Diana-Paula Gherasim, chercheuse au Centre Énergie/Climat de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Pierre Blanc, Géopolitique et Climat (Presses de Sciences Po, 2023, 248 pages).
De la co-construction à la destruction, le couple puissance/climat peut-il aujourd’hui retrouver une dynamique positive, incarnée par la puissance pour le climat ? Le couple puissance/climat, plongé dans une logique de puissance contre le climat par l’industrialisation, avec les armes redoutables que sont les énergies fossiles – devenues sources incontournables du hard power et du succès économique –, contribue à façonner un monde où toutes sortes d’insécurités (économique, alimentaire, sanitaire etc.) sapent le bien-être de l’humanité.
À l’aune de cette évolution, Pierre Blanc se demande quel régime politique serait le plus propice à l’action pour le climat. Certes, les démocraties sont pour l’heure les plus avancées à cet égard, l’Union européenne (UE) bénéficiant d’un véritable soft power en la matière, mais tout reste à prouver car il faut passer du déclaratif à la réalisation. Et nombre d’obstacles rendent les démocraties plus lentes dans la mise en œuvre des actions fortes et de long terme : le court-termisme électoral, la distance psychologique avec les générations à venir, la fragilisation de leaders portant des actions trop contraignantes, et donc moins recevables. Néanmoins, face aux fausses promesses des populismes climatosceptiques et à l’utopie de despotismes éclairés salutaires, c’est la démocratie qui semble être la plus propice à l’action pour le climat, pourvu qu’elle soit plus équitable sur le plan social et plus délibérative sur le plan institutionnel.
Indépendamment du régime politique, l’auteur rappelle l’importance de la coopération multilatérale, malheureusement sans élaborer la manière dont le fonctionnement des institutions internationales devrait être amélioré au profit de résultats concrets. Cela semble pourtant clé car, à force de poursuivre le dialogue sans action, le couple puissance/climat risque de continuer à fonctionner, de facto, selon une logique de puissance contre le climat.
Plutôt que souscrire aux « mythes » des guerres climatiques et de l’eau, Pierre Blanc souligne la réitération de situations où le changement climatique s’ajoute à des contextes déjà inflammables, aux défaillances des États. Ainsi, si le changement climatique n’a pas jusqu’à présent été la cause de guerres, il en amplifie les effets – l’auteur laissant toutefois planer une certaine incertitude sur l’évolution à venir du lien de causalité climat/conflictualité. On note par ailleurs la même incertitude exprimée quant aux gagnants et perdants directs et indirects : tout pronostic est ici soumis à moult variables, dont l’intensité du changement climatique (déterminée par les efforts réels déployés, mais aussi par la concrétisation des points de basculement).
En suivant la schématisation des quatre facettes du couple puissance/climat que propose l’ouvrage, on s’interroge sur la façon dont l’histoire retiendra les agendas industriels des grandes puissances, notamment l’Inflation Reduction Act des États-Unis, le Made in China 2025 de Pékin ou le Green Deal Industrial Plan de l’UE. Puissance pour le climat ? Puissance par le climat ? Une juxtaposition salutaire ? La différence importe car sont là en jeu des questions de sens commun, d’accès aux technologies décarbonées, d’équité, d’acceptabilité, d’échelle d’impact : in fine l’avenir même de l’humanité. Et cette différence pourrait dessiner une nouvelle géopolitique du monde.
Diana-Paula Gherasim
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