Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2024 de Politique étrangère (n° 2/2024). Katie Hamilton propose une analyse de l’ouvrage de Thibault Muzergues, Post-populisme. La nouvelle vague qui va secouer l’Occident (L’Observatoire, 2024, 256 pages).
Selon Thibault Muzergues, directeur des programmes pour l’Europe de l’International Republican Institute, la poussée populiste dans l’Occident des années 2010 a été remplacée par un « post-populisme » caractérisé par une forme de normalisation et un attachement aux institutions : on en reviendrait à un clivage droite-gauche, sans les partis traditionnels.
Le populisme découle, pour l’auteur, de la déception du peuple vis-à-vis des décisions des élites et d’un sentiment de non-représentation. Les populistes comblent le vide ressenti par des citoyens déçus par la démocratie, qui votent pour des candidats anti-establishment. Muzergues les désigne comme de « simples agents de la disruption », ajoutant que toute avancée populiste est liée à une ère de crise intense, où « les choses ne peuvent pas continuer telles qu’elles étaient auparavant ». Il lie la crise économique de 2008 à la grande disruption populiste des années 2010, citant la constitution hongroise de 2011 – qui consolide le pouvoir du Fidesz – et l’élection en Grèce en 2015 de Syriza. La popularité croissante de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon s’est aussi manifestée en 2012, et n’a cessé de croître. L’effet des réseaux sociaux est fondamental : ils tendent à la polarisation et limitent l’exposition aux opinions divergentes.
Quatre changements de paradigme auraient ouvert la voie à la prise de contrôle des populistes par les post-populistes. Tout d’abord, la pandémie de Covid-19, initialement minimisée par plusieurs leaders populistes, a mené à des taux de mortalité plus élevés aux États-Unis et au Brésil qu’en France ou en Allemagne. Ensuite, l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 à Washington a rebuté les Républicains de l’establishment qui avaient suivi Trump pendant son mandat. Il y a eu également la déception du Brexit, puis « la fin des illusions russes » à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Ces événements majeurs nous entraîneraient – sans retour en arrière possible – à l’ère du post-populisme.
Les deux premiers exemples de post-populisme se trouvent à droite : Giorgia Meloni de Fratelli d’Italia et Jimmie Åkesson des Démocrates de Suède ont évolué « dans le sens de la normalisation ». Les populistes sont passés du poutinisme à l’atlantisme, vers l’attachement à l’Europe et une ouverture vers la Méditerranée, alors que l’establishment de centre droit s’est débarrassé de ses tabous sur les questions migratoires et accepte davantage de collaborer avec les populistes. D’autres exemples incluent Friedrich Merz de la CDU en Allemagne, déterminé à s’éloigner des politiques centristes de Merkel et à travailler avec l’AfD. Certaines politiques se sont banalisées : Donald Trump avait suscité de fortes réactions en construisant une barrière pour empêcher l’arrivée des migrants ; quelque temps plus tard, la Lituanie, la République tchèque et la Pologne font de même, sans déclencher le même tollé. Bien que nous n’ayons pas encore vu les fruits d’un post-populisme de gauche, le durcissement de la politique d’immigration de Biden pourrait en être un signe avant-coureur.
Muzergues estime que, même si le mouvement post-populiste peut s’estomper au terme d’un cycle électoral, le populisme reste populaire, comme le montrent les victoires de Javier Milei en Argentine et de Geert Wilders aux Pays-Bas. Au final, « le populisme peut disparaître, mais les effets de la disruption politique, eux, restent ».
Katie Hamilton
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