Le numéro d’automne 2024 de Politique étrangère (n° 3/2024) vient de paraître. La rédaction vous offre aujourd’hui à lire l’un des articles du dossier sur l’IA : « De l’Ukraine à Gaza : l’Intelligence artificielle en guerre », écrit par Amélie Férey, chercheuse au Centre des études de sécurité de l’Ifri, et Laure de Roucy-Rochegonde, responsable du Centre géopolitique des technologies de l’Ifri.

Dans un article paru au printemps 2024 dans Defense One, le stratégiste américain Peter Singer compare les conflits actuels à la guerre civile espagnole. En 1936, explique-t‑il, les deux camps utilisaient des fusils et creusaient des tranchées. Cependant, arrivaient au même moment sur le champ de bataille le char d’assaut, la radio et l’avion. Ce n’est donc pas parce que les belligérants recourent à des méthodes éprouvées qu’une rupture ne peut concomitamment survenir. En réalité, conclut-il, les guerres en cours en Ukraine et à Gaza, tels des laboratoires des conflits futurs, en disent davantage sur la guerre qui vient, à l’image de ce qu’annonçait la guerre d’Espagne pour la Seconde Guerre mondiale. Or, parmi les développements technologiques observés sur ces deux théâtres, le recours massif à l’Intelligence artificielle (IA) est probablement celui qui suscite le plus de surprise et de questions.

Apparue en 1965 dans les travaux du logicien John McCarthy, l’expression « Intelligence artificielle » renvoie à l’ensemble des théories et techniques visant à mieux comprendre les intelligences humaines, et à les imiter à l’aide de programmes informatiques qui simulent leur fonctionnement. Dans un sens plus générique, l’IA qualifie la capacité de systèmes à accomplir des tâches requérant normalement un raisonnement humain.

Cette technologie n’en finit plus de s’immiscer dans nos vies personnelles et professionnelles, a fortiori depuis le succès commercial de l’agent conversationnel ChatGPT développé par OpenAI et le boom des IA génératives, c’est-à-dire capables de créer des contenus inédits à partir de jeux de données préexistantes. Sur le champ de bataille comme ailleurs, les promesses de l’IA attisent les convoitises et les innovations se multiplient, ce qui n’est pas sans poser de nombreuses questions en matière de stratégie, de politique, de droit et d’éthique.

Les applications militaires de l’IA sont nombreuses et protéiformes. De la logistique au ciblage en passant par le renseignement et l’aide à la décision au sein des fonctions de commandement et de contrôle, l’IA irrigue désormais l’intégralité des systèmes de force contemporains. Elle est même envisagée comme une nouvelle révolution des techniques de la guerre, au même titre qu’avant elle la poudre à canon ou l’arme nucléaire.

Depuis une dizaine d’années, les progrès de l’IA militaire sont exponentiels, tant les grandes puissances ont pris conscience du potentiel que celle-ci revêt. Elle présente en effet des avantages déjà largement démontrés, qui peuvent prendre de multiples formes différentes : l’IA est intégrée, entre autres, dans les munitions rôdeuses, dans les drones aériens, terrestres et maritimes, dans les sentinelles stationnaires, dans les systèmes de lutte antidrones ou encore dans les systèmes de défense antiaérienne. Au-delà du seul spectre des « robots tueurs », il convient donc de réfléchir aux conséquences de l’arsenalisation de l’IA : celle-ci est-elle susceptible de transformer la nature de la guerre ?

L’IA est identifiée depuis plus d’une décennie comme un « multiplicateur de force » par le département de la Défense américain. Si son développement militaire s’inscrit dans une trajectoire historique et conceptuelle déjà longue, l’analyse du recours à l’IA par les armées ukrainienne et israélienne démontre combien cette technologie change la donne sur les théâtres d’opérations. Tandis que Tsahal investit depuis des années dans le développement de l’IA militaire et l’utilise désormais pour asseoir sa supériorité technique face aux combattants du Hamas, en Ukraine, elle sert le faible au détriment du fort, par l’intégration en temps réel des briques technologiques indispensables à la lutte contre le mastodonte russe. Ces nouveaux usages s’accompagnent toutefois d’un contrôle humain de plus en plus réduit. […]

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Lisez en intégralité l’article d’Amélie Férey et Laure de Roucy-Rochegonde ici.

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