Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2025 de Politique étrangère (n° 1/2025). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Nicolas Baverez, Sursaut (L’Observatoire, 2024, 192 pages).

L’historien, économiste et avocat Nicolas Baverez dresse ici un réquisitoire implacable contre les politiques publiques menées en France depuis plus de quarante ans. Il commence par fustiger politiciens et médias qui l’ont constamment critiqué depuis la publication de La France qui tombe (2003). Il rend aussi hommage à ses rares soutiens, comme le regretté Jacques Julliard. Le livre repose en fait sur un double argument : la France est en plein déni de son déclin, et s’enfonce dans une « spirale démagogique » pour masquer la réalité.
S’agissant de nos performances économiques, Nicolas Baverez n’hésite pas à parler de modèle de « décroissance à crédit ». Depuis les années 1980, nos dirigeants ont systématiquement privilégié la consommation et le partage du temps de travail au détriment de la production et de la croissance. Le résultat est sans appel. En moins de 25 ans, les exportations agricoles françaises ont chuté du deuxième au cinquième rang mondial et la désindustrialisation s’est accélérée. En parallèle, le ratio dette publique/PIB (produit intérieur brut) a doublé. Cette dette publique semble désormais « insoutenable » car elle sert surtout à financer des transferts sociaux et des dépenses de fonctionnement, non des investissements. Le déficit budgétaire abyssal sera difficile à combler dans le contexte actuel de croissance atone et de taux d’intérêt élevés.
L’effondrement des fonctions régaliennes est également analysé. La dévalorisation du métier d’enseignant et la chute du niveau des élèves nourrissent le populisme et sapent notre démocratie. Les efforts en matière de défense, insuffisants depuis des décennies, nous laissent désemparés face à la menace russe. Enfin, Nicolas Baverez déplore l’absence de cap diplomatique, évoque une France manipulée par Xi Jinping, et surtout humiliée et chassée d’Afrique. Sur le théâtre européen, il décrit un pays isolé, en perte d’influence.
Le dernier chapitre présente les conditions d’un sursaut, soumis à trois contraintes majeures : la réduction du déficit budgétaire, la mise en place d’une nouvelle régulation du capitalisme tournant la page de la mondialisation, et la recherche d’un large consensus politique, rendu inévitable par la dissolution de juin 2024. Les propositions foisonnent. D’abord l’État doit se concentrer sur ses fonctions régaliennes. Les dépenses sociales devraient favoriser la famille et la jeunesse plutôt que les retraités, comme c’est le cas aujourd’hui. Cela implique par exemple de mieux prendre en charge la petite enfance, de rétablir le système des emplois familiaux tout en désindexant les minima sociaux et les pensions. Ensuite, l’auteur conseille de s’inspirer du Danemark pour réduire les flux migratoires, améliorer l’intégration et, in fine, vaincre l’extrême droite. Par ailleurs, il faut que le système éducatif réhabilite le statut de professeur et accroisse l’investissement dans les enseignements primaire et professionnel. Enfin, le budget des Armées doit être revu à la hausse pour renforcer les forces conventionnelles et augmenter le nombre des ogives nucléaires.
Nicolas Baverez avait alerté voici vingt ans sur le déclin français. Les faits lui ont donné raison. Cet ouvrage montre qu’une voie étroite existe, qui éviterait une crise financière ou une révolte populaire. C’est maintenant aux élites politiques, et en particulier aux députés, de prendre leurs responsabilités devant l’Histoire.
Norbert Gaillard
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