À la suite du sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir en libre accès et en avant-première l’article du numéro d’été 2025 de Politique étrangère (n° 2/2025) que vous avez choisi d'(é)lire : « L’ « Europe de la sécurité intérieure, cette inconnue » », écrit par Jean Mafart, ancien directeur des affaires européennes et internationales de ministère de l’Intérieur.

Alors que la Commission a publié en avril 2025 sa nouvelle stratégie de sécurité intérieure, un constat s’impose : la politique européenne de sécurité intérieure reste méconnue. Si l’« Europe de la sécurité intérieure » reste aussi peu visible, c’est sans doute parce que nous continuons d’associer la sécurité – compétence « régalienne » par excellence – au cœur des missions de l’État. Pourtant, si les traités européens reconnaissent bien cette responsabilité étatique, l’Union européenne (UE) est aussi très active et la faible notoriété de sa politique de sécurité peut surprendre pour au moins deux raisons.
La première est que l’Union affecte à cette politique des moyens considérables, qui ne cessent de croître. Le budget de l’agence Europol, chargée d’appuyer les États membres dans la lutte contre la criminalité, a quadruplé en vingt ans et les effectifs de l’agence Frontex aux frontières extérieures seront bientôt de 10 000, en comptant la réserve européenne. Ce n’est pas tout : la nouvelle stratégie de sécurité intérieure confirme le doublement du budget d’Europol et le triplement des effectifs de gardes-frontières européens – propositions annoncées par la présidente Ursula von der Leyen au début de son second mandat et passées inaperçues en France, en dépit de leur ampleur spectaculaire.
La politique européenne de sécurité intérieure, en second lieu, répond à des attentes sociales fortes : il y aurait sans doute matière – ce n’est pas si fréquent – à montrer aux citoyens une Europe concrète et directement utile dans leur vie quotidienne. Coopération policière, coopération pénale et sécurité des frontières constituent désormais une politique européenne à part entière, dont les effets sont souvent très tangibles.
Est-ce à dire que tout cela fonctionne bien ? Non, certainement, et c’est ce qui conduit à une question essentielle : en ces temps de recul de l’idée européenne, les carences réelles de l’« Europe de la sécurité intérieure » doivent-elles nous inciter à la consolider, comme ce serait le plus logique, ou à nous replier dans la sécurité apparente de nos frontières nationales ?
Au commencement était la libre circulation
On ne le soulignera jamais assez : dans son principe, la politique européenne de sécurité intérieure – en y incluant bien sûr la sécurité des frontières – est indissociablement liée à la libre circulation. Comment concevoir en effet que des criminels puissent se déplacer librement entre États membres tandis que chacun d’entre eux agirait isolément ? Comment abolir les frontières intérieures sans convenir de règles de contrôle de la frontière extérieure, devenue commune à tous les États membres ? L’expression « espace de liberté, de sécurité et de justice » (ELSJ), issue du traité d’Amsterdam, rend bien compte de cette intégration européenne, forme intermédiaire entre une juxtaposition d’États régis par leur seul droit interne et un territoire fédéral.
Trois étapes ont été essentielles dans la construction de cet « espace ». En 1985, quelques États volontaires décidèrent de lever les contrôles aux frontières qui les séparaient : c’est l’accord de Schengen. L’année suivante, l’Acte unique consacrait les « quatre libertés » : « Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du présent traité. » Enfin, le traité de Maastricht, en 1992, faisait du « droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres » une composante de la « citoyenneté européenne ». Or, aux yeux des « pères fondateurs », de telles étapes allaient nécessairement de pair avec une coopération de sécurité. » […]
Lisez en intégralité l’article de Jean Mafart ici.
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