Chiffrer le crime

Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne 2023 de Politique étrangère (n° 3/2023). Michel Gandilhon propose une analyse de l’ouvrage de Benoît Martin, Chiffrer le crime. Enquête sur la production de statistiques internationales (Presses de Sciences Po, 2023, 328 pages).

C’est une évidence, les données quantitatives ne cessent d’envahir notre quotidien. « Le monde s’est fait nombre » et, au fil de la croissance de leur production, le grand livre des sociétés humaines – pour paraphraser Galilée – se déchiffre désormais dans la langue des big data. Devant l’avalanche des données, l’esprit critique se perd, le nombre semblant ontologiquement une garantie de vérité, singulièrement quand il émane d’autorités internationales. C’est pourtant à un tel exercice critique qu’invite cet ouvrage dense et rigoureux.

Pensée et culture stratégiques russes

Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne 2023 de Politique étrangère (n° 3/2023). Isabelle Facon propose une analyse de l’ouvrage de Dimitri Minic, Pensée et culture stratégiques russes. Du contournement de la lutte armée à la guerre en Ukraine (Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2023, 632 pages).

Ce riche ouvrage, issu d’un travail de doctorat, repose sur une analyse approfondie et structurée de la littérature militaire russe des trois dernières décennies. Sa thèse centrale est celle d’un « contournement de la lutte armée » pour la réalisation des objectifs politiques. La pensée militaire russe privilégierait « l’évitement de la lutte armée interétatique » et accorderait un rôle central aux actions indirectes (militaires et non militaires) ainsi qu’aux mesures asymétriques (dans ou hors de la lutte armée), où les éléments informationnels et psychologiques occupent une place importante. Au terme d’une maturation dont l’auteur expose les étapes, le concept de guerre (dont les théoriciens militaires russes ont longtemps eu une vision « exclusivement armée ») s’est trouvé modifié par une ouverture aux « luttes non militaires ». Si la lutte armée est évidemment toujours prise en compte, elle doit être « brève et décisive ». Le concept de dissuasion stratégique, dont les définitions ont fluctué au fil du temps, incarne en soi cette évolution conceptuelle, qui marque a priori la victoire des « révisionnistes » sur les « traditionalistes ».

[CITATION] L’économisme en relations internationales : une insoutenable légèreté

Lisez l’article de Patrick Allard ici.

Retrouvez le sommaire du numéro 3/2023 de Politique étrangère ici.

L’Ours et le Renard. Histoire immédiate de la guerre en Ukraine

Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne 2023 de Politique étrangère (n° 3/2023). Amélie Férey, chercheuse au Centre des études de sécurité de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Michel Goya et Jean Lopez, L’Ours et le Renard. Histoire immédiate de la guerre en Ukraine (Perrin, 2023, 352 pages).

« Nous croyons tous deux qu’il fallait faire ce livre pour aider à comprendre ceux qui veulent comprendre », expliquent Michel Goya et Jean Lopez dans leur avant-propos. Sur près de 300 pages, à grand renfort de cartes et de chiffres, le pari est tenu.

Le chapitre 1 analyse les forces en présence en amont du 24 février, pour expliquer la surprise de la résistance ukrainienne – le renard – contre un ours russe théoriquement supérieur. La discrète formation des troupes ukrainiennes par l’OTAN, avec le passage de la « tactique orientée commandement » à la « tactique orientée mission », et les dégâts causés par les sanctions économiques sur les équipements russes expliquent l’erreur d’appréciation.

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