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The Inheritance

Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Jean-Loup Samaan propose une analyse de l’ouvrage de Mara E. Karlin, The Inheritance: America’s Military after Two Decades of War (Brookings Institution Press, 2022, 320 pages).

Alors que le débat stratégique semble à Washington accaparé par la compétition stratégique entre les États-Unis d’un côté et la Chine et la Russie de l’autre, le livre de Mara E. Karlin vient nous rappeler combien la guerre contre le terrorisme a façonné l’armée américaine au cours des vingt dernières années. L’ouvrage se présente comme un véritable audit de l’outil de défense à l’aune de deux décennies de conflits au Moyen-Orient. Le propos de Karlin se veut donc moins géopolitique que sociologique. Laissant temporairement de côté la question éternelle des priorités stratégiques américaines entre Asie, Europe et Moyen-Orient, l’auteur se penche sur les traces laissées par les guerres d’Irak et d’Afghanistan sur le moral des troupes, ainsi que sur le processus décisionnel du Pentagone.

Certaines problématiques de The Inheritance sont déjà bien connues. L’auteur évoque ainsi les querelles entre décideurs civils et militaires. Elle rappelle l’épisode au cours duquel l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates donne la priorité aux ressources allouées à l’armée de Terre en Irak, au risque de s’attirer les foudres de l’armée de l’Air. Elle évoque aussi les vives oppositions, sous Barack Obama, entre la Maison-Blanche et la hiérarchie militaire autour du surge afghan en 2009. L’auteur revient enfin sur la célébrité, éphémère, de David Petraeus, pour mieux montrer les dérives impliquées par la « militarisation » de la politique étrangère américaine de ces dernières années.

Pour conduire ce travail, Karlin s’est appuyée sur une impressionnante série d’entretiens avec des officiers et cadres civils du département de la Défense, qui lui permet de saisir au plus près les tensions et les frustrations de l’armée américaine. La mobilisation de ces nombreux témoignages enrichit l’analyse, et la place à mi-chemin entre l’essai de sociologie militaire et le rapport ethnographique. L’originalité du livre vient aussi de la connaissance intime de son auteur pour le Pentagone : au cours des deux dernières décennies, Karlin a alterné entre des postes à l’université Johns Hopkins et au cabinet du secrétaire à la Défense. Avant même la parution de The Inheritance, elle a d’ailleurs à nouveau retrouvé le Pentagone en qualité d’Assistant Secretary of Defense, supervisant plus particulièrement la production de documents comme la National Defense Strategy.

L’enquête menée par Karlin relève d’une sociologie critique mais compréhensive de l’armée américaine. Sa ligne intellectuelle se veut bienveillante et surtout non partisane (prenant soin de rappeler les torts à la fois des administrations démocrates et républicaines). Les pages les plus saisissantes du texte voient Karlin interroger des officiers, jeunes mais aussi plus âgés, qui ne lui cachent pas leur sentiment d’incompréhension quant à ce que la guerre contre le terrorisme a pu représenter pour eux, pour l’ensemble de la communauté militaire, et en particulier pour ceux qui ont sacrifié leur vie en son nom. L’amertume est alors palpable dans les témoignages recueillis. Bien que le texte ait été écrit avant le retrait américain d’Afghanistan, il est difficile de ne pas voir dans ce désarroi un écho des émotions suscitées par l’évacuation de Kaboul à l’été 2021.

Jean-Loup Samaan

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Syrie, un conflit gelé en trompe-l’oeil : 3 questions à Fabrice Balanche

Auteur de l’article « Syrie : un conflit gelé en trompe-l’oeil » paru dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (2/2022)Fabrice Balanche, maître de conférences en géographie à l’université Lyon 2, répond à trois questions en exclusivité pour politique-etrangere.com.

1-Peut-on dire que la guerre en Syrie est devenue un conflit gelé ?

Oui, actuellement, nous sommes dans un conflit gelé car les grandes offensives sont terminées depuis avril 2020, date de la dernière avancée de l’armée syrienne à Idleb. Les belligérants campent sur leurs positions respectives, qu’il s’agisse des acteurs internationaux (Russie, États-Unis, Turquie, Iran et Israël) ou des acteurs locaux (régime syrien, Forces démocratiques syriennes [FDS], le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Sham et autres milices rebelles). Le seul qui ne respecte pas ce modus vivendi c’est Daech, qui est retourné dans la clandestinité après la chute de son dernier fief territorial, Baghouz en mars 2019. L’organisation terroriste a recruté une nouvelle génération de combattants, qui multiplient les attaques contre les FDS et l’armée syrienne. En janvier 2022, Daech a lancé une attaque d’envergure contre la prison de Hassaké, où se trouvent des centaines de combattants prisonniers.

Dans le reste de la Syrie, nous avons toujours des échanges de tirs sur les lignes de front et des opérations internes aux différentes zones. Ainsi, à Deraa, l’armée syrienne a repris des quartiers tenus par les ex-rebelles durant l’été 2021 sur le même mode opératoire que lors de la reprise d’Alep ou de la Ghouta. Enfin, il faut ajouter aux conflits intérieurs, les raids de l’aviation israélienne sur les positions iraniennes et du Hezbollah en Syrie. Mais globalement la Syrie connaît depuis plus de deux ans une paix relative. Il semble que les acteurs internationaux se soient neutralisés et, comme quasiment tous les acteurs locaux leur sont inféodés, un cessez-le-feu s’est de facto imposé sur le pays.

L’impossible gestion de la diversité en Irak

Lisez l’article d’Adel Bakawan ici.

Retrouvez le sommaire du numéro 1/2022 de Politique étrangère ici.

The Afghanistan File

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2022 de Politique étrangère (n° 1/2022). Jean-Luc Racine propose une analyse de l’ouvrage du Prince Turki Al Faisal Al Saud, The Afghanistan File (Arabian Publishing, 2021, 216 pages).

Ce livre, précise l’auteur, répond à une demande du roi Abdallah, alors prince héritier d’Arabie Saoudite, constatant que les divers acteurs de la crise afghane – Pakistanais, Américains, Russes, Européens – avaient tous donné leur version des faits « en blâmant l’Arabie Saoudite pour une bonne part de ce qui tourna mal », et concluant qu’il fallait fournir une analyse saoudienne de cette histoire tourmentée. Qui pouvait mieux s’en charger que Turki Al Faisal, prince du sang, chef des services de renseignement saoudiens de 1978 à 2001 et à ce titre principal acteur de la politique afghane du royaume ?

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