Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2012). Olivier Louis propose une analyse de l’ouvrage d’Ahmed Rashid, Pakistan on the Brink: The Future of America, Pakistan, and Afghanistan (New York, Viking, 2012, 256 pages).

Voici le troisième ouvrage d’Ahmed Rashid consacré à la guerre d’Afghanistan et à ses conséquences sur les pays voisins, en particulier le Pakistan. A. Rashid est sans doute le journaliste pakistanais le plus connu internationalement. Cet ouvrage, qui couvre la période allant de l’élection de Barack Obama à la fin 2011, reprend et actualise ses deux livres précédents. Ses neuf chapitres, indépendants les uns des autres, traitent tous de la crise qui secoue la région « AfPak » mais sous des éclairages différents. L’accent est mis soit sur la politique américaine (en particulier, le surge – 30 000 hommes supplémentaires – des troupes américaines décidé en 2009, l’exécution d’Oussama Ben Laden au Pakistan et la décision de retrait d’Afghanistan des forces combattantes en 2014), soit sur les contradictions pakistanaises (le soutien de l’armée aux « bons » Talibans, la reconquête de la vallée de Swat en 2010 et la dégradation accélérée du pays qui pourrait conduire à terme au désastre), soit sur le chaos croissant en Afghanistan (l’élection présidentielle de 2009, le renforcement des Talibans, l’incohérence de plus en plus marquée du président Hamid Karzai). Le sujet principal n’est pas le Pakistan en lui-même, mais plutôt l’interaction entre les à-coups et contradictions de la politique américaine, l’incapacité du gouvernement afghan à gouverner effectivement ce pays et l’aveuglement presque suicidaire des différentes autorités pakistanaises. Mais son titre s’explique par la conviction de l’auteur que l’avenir du Pakistan est le principal enjeu des conflits en cours.
Comme le souligne A. Rashid, les forces américaines ont été accueillies en libérateurs en Afghanistan au début de 2002 et l’espérance d’une pacification de l’Afghanistan et d’un changement de cap au Pakistan paraissait alors réaliste. L’espérance est devenue cauchemar : les Talibans contrôlent de nouveau une partie importante du territoire afghan, le Pakistan s’enfonce dans une crise politique, économique et morale de plus en plus grave et les États-Unis pourraient en être réduits à une fuite sans gloire d’une région du monde qui a le potentiel, si rien n’est fait pour mettre un terme à l’aggravation des tensions de toutes sortes qui s’y déploient, de déclencher une crise mondiale de première ampleur.
A. Rashid analyse en profondeur les raisons de cette inexorable « descente vers le chaos », en dépit des bonnes intentions du président Obama. Sa connaissance d’un dossier qu’il suit depuis plus de 15 ans, les relations personnelles qu’il a su tisser avec les principaux responsables des événements en cours font de son ouvrage une lecture indispensable. Pour l’auteur, la clé de la solution, c’est l’armée pakistanaise, puisque c’est elle qui porte la principale responsabilité de la dégradation actuelle. Qu’elle renonce à manipuler les uns et les autres pour imposer « sa » solution à la crise afghane et qu’elle cherche de bonne foi une solution pacifique acceptable pour les différentes parties en présence, et l’espoir d’une solution raisonnable pourrait renaître. Le portrait peu flatteur qu’A. Rashid trace de son chef d’état-major, le général Kayani, acteur principal de la politique afghane et étrangère du Pakistan, et dont le mandat n’arrivera à expiration qu’en juillet 2013, n’incite pas à un grand optimisme.

Olivier Louis

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