Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Erminia Chiara Calabrese propose une analyse de l’ouvrage d’Aurélie Daher, Le Hezbollah. Mobilisation et pouvoir (PUF, 2014, 480 pages).

Le livre d’Aurélie Daher, issu d’une thèse de doctorat en science politique, est le fruit de plusieurs années d’immersion durant lesquelles elle a mené des centaines d’entretiens auprès de hauts responsables, de militants et de sympathisants du Hezbollah. L’auteur entend apporter ici des réponses aux « interrogations quant à l’avenir du Hezbollah » à travers une étude « de la mobilisation du parti dans son pays d’origine ». Cette dernière repose, selon elle, sur trois catégories : militaire, politique et sociale. On la rejoindra aisément quand elle écrit que le parti a choisi « à partir de 2006 de refermer ses portes à l’observation […] rendant l’accès à son appréhension peu aisé ».

L’ouvrage est divisé en onze chapitres, regroupés en deux parties. La première (« Qu’est-ce que le Hezbollah ? ») est consacrée à l’émergence du parti, à son action sociale et son organisation interne. Dans la seconde partie (« Mobilisation et pouvoir »), l’auteur analyse les développements du parti de 2005 à 2013, avec notamment son intervention militaire en Syrie aux côtés du régime de Bachar Al-Assad.

Dans les trois premiers chapitres, l’auteur, s’appuyant sur des sources en arabe et ses entretiens, relate le parcours militant des pères fondateurs du Hezbollah. Elle éclaire ce qui est commun à ces hommes : une allégeance à la mission de résistance contre un occupant et l’adhésion au wilayah al-faqih, principe auquel le parti se réfère de manière officielle. Plus précisément, Daher analyse la trajectoire de ce qu’elle nomme un « islam de résistance », depuis les années 1980 quand la religion devient « un moyen au service d’une cause de lutte armée ». Mais les soutiens du Hezbollah ne sont pas « un réceptacle docile de ce que la direction du parti aimerait inculquer » : pour preuve, les diverses formes d’investissement militant coexistant dans le parti. L’auteur souligne à juste titre que « les véritables bénéficiaires de la générosité de l’organisation sont les combattants du parti », et que le degré de religiosité d’un individu n’explique pas la mobilisation autour du Hezbollah, laquelle demeure un choix politique.

Le chapitre 5 sur l’organisation interne du parti explique, entre autres, comment on devient membre du Hezbollah. L’analyse se base ici sur un apport empirique mince – avec des informations souvent vagues notamment sur la formation militante –, bien que l’auteur souligne des points intéressants. Daher clôt le livre par un chapitre dédié aux représentations du Hezbollah auprès de son public. Ce développement retient particulièrement l’attention car il présente des thématiques encore peu explorées, et qui sont donc bienvenues. Extrêmement bien référencé, regroupant une masse inédite d’informations, cet ouvrage est un outil important et nécessaire pour qui s’intéresse au Hezbollah et, au-delà, à la complexité politique du Liban.

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