Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Alice Ekman, chercheur au Centre Asie de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de David Shambaugh, China’s Future  (Polity Press, 2016, 224 pages).

China's Future

David Shambaugh, professeur à l’université George Washington, un des meilleurs spécialistes nord-américains de la Chine, se consacre à un exercice risqué mais utile : anticiper les différents scénarios que pourrait suivre la Chine pour son développement économique, politique et social au cours des prochaines décennies.

Son anticipation principale – thèse centrale – est assez classique : si le régime ne se réforme pas politiquement, le développement économique stagnera, ce qui exacerbera les problèmes sociaux déjà aigus et entraînera à terme le déclin du Parti communiste chinois (PCC).

Il considère que quatre choix principaux se présentent à la Chine – le « néototalitarisme », l’« autoritarisme dur », l’« autoritarisme doux », et la « semi-démocratie » – et que la Chine de Xi Jinping s’engage actuellement sur la voie de l’« autoritarisme dur ».

Ce diagnostic tend aujourd’hui à être confirmé par les déclarations officielles du président chinois, sa volonté affichée de renforcer le contrôle du Parti dans de nombreux secteurs (arts, recherche, médias, justice, etc.), et les méthodes de recadrage idéologique et politique strict des officiels du parti, des ministères et de l’armée dans le cadre de la campagne anticorruption (dénonciations, séances de critique et d’autocritique, confessions publiques forcées, emprisonnement de longue durée) – recadrage renforcé fin octobre à l’issue du 6e plenum du Comité central du PCC.

Toutefois, le lien entre ces évolutions récentes et le déclin à terme du PCC n’est pas évident. La réserve principale que l’on pourrait formuler à la lecture du livre concerne la capacité d’adaptation du PCC. L’auteur rappelle à juste titre que le concept d’« adaptation politique » est crucial pour comprendre la situation du PCC aujourd’hui. Soit le régime s’adapte et, plus inclusif, augmente ses chances de survie politique, soit il échoue dans son adaptation et « finit par mourir ». Shambaugh semble considérer que les capacités d’adaptation du Parti sont aujourd’hui faibles. Cette évaluation est sujette à débat : on pourrait au contraire considérer que ces capacités d’adaptation se sont renforcées ces dernières années, notamment avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, que le PCC utilise intensivement. Les nombreux capteurs et outils d’analyse connectés (big data, analyse du contenu des réseaux sociaux, sondages en ligne, etc.) l’aident à dessiner en temps réel une cartographie détaillée – ville par ville, province par province – des attentes de la population, revendications et mouvements sociaux. Le Parti prend ces éléments en compte pour maintenir l’ordre et préserver sa légitimité autant que possible, en ajustant notamment le niveau de répression et sa communication en fonction du contexte et des populations cibles.

Plus généralement, il demeure osé d’anticiper le déclin du Parti communiste chinois compte tenu de son assise bureaucratique et populaire (plus de 88 millions de membres), et surtout de son omniprésence actuelle dans toutes les structures et à tous les niveaux de la société chinoise – des comités de résidents aux directions d’université. La question qui se pose aujourd’hui, à moins d’un an du XIXe congrès du PCC, est avant tout celle de la durée de l’ère Xi Jinping (dont la présidence devrait au moins se poursuivre jusqu’à 2022), et de son influence au-delà.

Alice Ekman

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