Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n° 4/2017). Marc Hecker, rédacteur en chef de Politique étrangère, propose une analyse de l’ouvrage de Daan Weggemans et Beatrice de Graaf, Reintegrating Jihadist Extremist Detainees: Helping Extremist Offenders Back into Society (Routledge, 2017, 168 pages).

Ce livre est issu d’une analyse réalisée par deux chercheurs, Daan Weggemans de l’université de Leiden et Beatrice de Graaf de l’université d’Utrecht, pour le compte de l’organisation néerlandaise « Politie en Wetenschap ». L’objectif de cette dernière est de servir de passerelle entre les milieux scientifique et sécuritaire, afin d’améliorer les pratiques policières et judiciaires.

L’ouvrage se divise en trois parties. La première revient sur les aspects théoriques du rôle de la prison, et sur la définition du concept de déradicalisation. La deuxième décrit plusieurs programmes de désengagement ou de déradicalisation mis en œuvre dans des pays musulmans ou occidentaux. Ces deux parties constituent une synthèse utile pour les néophytes, mais suscitent un sentiment de « déjà lu » chez les spécialistes.

La troisième partie s’appuie, elle, sur une recherche de terrain substantielle et apporte un éclairage original à la problématique de la réinsertion des djihadistes ayant purgé leur peine. Les auteurs ont interviewé dix individus ayant été incarcérés aux Pays-Bas pour des faits de terrorisme islamiste. Ils ont également rencontré certains de leurs proches, des policiers, des avocats, des magistrats, ou encore des travailleurs sociaux.

Ce travail très riche est difficile à résumer, et l’on se contentera de relever trois points. Tout d’abord, le débat que nous avons eu en France sur l’opportunité de regrouper les détenus radicalisés pour éviter qu’ils ne « contaminent » les autres prisonniers, a eu lieu aux Pays-Bas près de dix ans plus tôt. Ainsi les djihadistes néerlandais ont-ils fait l’objet d’un regroupement dès 2006. La Terrorist Detention Facility (TDF) de Vught a été fermée en 2011, puis rouverte en 2013. Plusieurs djihadistes interviewés sont passés par cette TDF. Tous en gardent un souvenir douloureux, qui se traduit chez certains par une rancœur tenace pouvant se transformer en désir de vengeance, et chez les autres, au contraire, par la volonté d’éviter de retourner en prison.

Ensuite, les auteurs notent que les premiers mois après la sortie de prison ont été difficiles pour les ex-détenus. Ces derniers n’avaient visiblement pas été bien préparés à la vie en liberté. Avec le temps, les trajectoires des uns et des autres ont divergé, sans que l’on puisse identifier précisément de variables explicatives. Une moitié a réussi à reprendre une existence à peu près normale. Une autre moitié semble au contraire dériver : certains vivent reclus et sombrent dans la dépression, d’autres ont choisi de quitter les Pays-Bas. L’un d’entre eux est parti en Syrie.

Enfin, les auteurs insistent sur la nécessité d’impliquer des acteurs variés dans le processus de réinsertion (policiers, travailleurs sociaux, psychologues, spécialistes de l’islam, etc.) et d’assurer une bonne coordination entre eux. Ils soulignent que, dans tous les cas, un programme individualisé et un suivi de long terme s’imposent.

La conclusion est destinée aux praticiens. Elle intègre des tableaux utiles, qui présentent succinctement les facteurs susceptibles d’aider, ou au contraire d’entraver, un processus de réintégration. Au final, les auteurs se montrent modestes : ils ne prétendent pas avoir découvert une solution miracle. Ils indiquent, au contraire, que les processus de désengagement sont complexes et coûteux, pour des bénéfices incertains.

Marc Hecker

S’abonner à Politique étrangère