Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2018). Said Alahyane propose une analyse de l’ouvrage de Zhang-Yue Zhou, Achieving Food Security in China: The Challenges Ahead (Routledge, 2017, 160 pages).

Zhang-Yue Zhou distingue deux phases dans l’évolution de la sécurité alimentaire du pays: entre 1950 et 1979, celle de la pénurie des biens alimentaires ; à partir de 1980, celle de l’abondance des ressources. La pénurie était due principalement à la forme autoritaire du régime. Ce dernier monopolisait les ressources et contrôlait la production ainsi que la distribution des biens et services. Les responsables politiques utilisaient les ressources alimentaires disponibles, pourtant très limitées, pour eux-mêmes et leurs familles, au détriment de la population. Autre variable explicative de la pénurie, l’absence de compétences en management économique : la plupart des hauts fonctionnaires étaient des anciens militaires et n’avaient donc pas les compétences requises pour gérer l’économie du pays. Par ailleurs, l’autoritarisme du régime chinois rendait impossible toute remise en cause des politiques par la population.

À partir des années 1980, la Chine connaît une abondance des ressources alimentaires. La réintroduction des mécanismes du marché dans l’économie a favorisé, selon l’auteur, l’amélioration des revenus des agriculteurs, qui pouvaient adapter leurs activités aux besoins du marché. Dans le même sens, l’ouverture sur l’international à partir de 1980 a permis à la Chine d’accéder aux technologies avancées de production, aux savoir-faire et aux investissements étrangers, ainsi qu’au marché international des biens alimentaires. Il faut ajouter à cela, pour Zhang-Yue Zhou, que le gouvernement chinois a accordé une attention particulière à la question alimentaire en adoptant diverses mesures ayant pour objectif la sécurité alimentaire du pays. Mais c’est le retour à l’agriculture familiale qui a favorisé, en grande partie, l’amélioration de la production agricole et alimentaire en Chine.

Aujourd’hui, la Chine se trouve dans une situation confortable sur le plan alimentaire. Les disponibilités ont été marquées par l’abondance durant les trois dernières décennies. Le pays dispose d’un stock céréalier de 100 millions de tonnes. En outre, l’offre alimentaire provient essentiellement de la production nationale (98 % pour les céréales et 99 % pour les viandes). Pourtant, si la disponibilité des biens ne représente plus un véritable problème pour la Chine, l’auteur souligne que c’est la qualité des aliments qui représente désormais un enjeu majeur, une bonne partie des produits alimentaires disponibles sur les marchés chinois étant de mauvaise qualité, et la santé des consommateurs étant affectée par l’insalubrité des aliments.

Malgré les résultats enregistrés au niveau de la sécurité alimentaire, la Chine est confrontée à des défis majeurs : la lutte contre la pollution et la dégradation des ressources naturelles, l’amélioration de la qualité des aliments, la réduction des inégalités de revenus, et la réforme des institutions politiques, économiques et éducatives.

On soulignera également que la Chine, vu la taille de sa population, peut produire des effets majeurs sur la sécurité alimentaire mondiale. C’est ainsi que tout changement au niveau de sa production nationale, et partant au niveau de ses exportations et importations, peut entraîner des répercussions négatives sur la sécurité alimentaire mondiale.

Said Alahyane

Pour vous abonner à Politique étrangère, cliquez ici.