Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n° 2/2018). Vincent Piolet propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Michel Hunault, La lutte contre la corruption, le blanchiment, la fraude fiscale. L’exigence d’éthique dans les mouvements financiers (Presses de Sciences Po, 2017, 232 pages).

Ce livre est assez inégal selon les contributions, et selon que l’on souhaite approfondir ses connaissances sur la corruption, le blanchiment ou la fraude fiscale. En bon avocat, Michel Hunault fait le point dans son introduction sur les différents processus législatifs qui se sont attaqués à ces différents maux.

Le premier chapitre est consacré à l’histoire de l’association Transparency International France, et rédigé par son ancien président Daniel Lebègue. L’histoire de cette association, pour intéressante qu’elle soit, est assez éloignée d’une étude de la corruption et des moyens de lutte au cas par cas. Le deuxième chapitre, rédigé par Jean-Louis Fort, ancien président du Groupe d’action financière internationale (GAFI), présente la même faiblesse, celle de raconter l’histoire d’une organisation – le GAFI – et non pas celle de l’objet contre laquelle elle lutte. Michael Meister, membre du Bundestag, met enfin en perspective le sujet, en relevant les limites des organisations internationales ou de la législation, et en soulignant certains aspects techniques importants, comme le problème de l’identification des bénéficiaires ultimes des trusts – un combat politique pour l’instant perdu face aux États anglo-saxons. Le chapitre suivant, rédigé par Éric Robert, fonctionnaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous décrit les coulisses et les problématiques de l’échange d’informations dans la lutte contre la fraude fiscale. Il en souligne les limites, et les lacunes. Gérard Rameix, ancien président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), se lance dans un long chapitre consacré à cette institution et à ses pairs nationaux et internationaux, et on peine à voir le rapport avec le sujet du livre. Jean-Baptiste Carpentier, ancien dirigeant de TRACFIN (cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme), se consacre, comme Daniel Lebègue et Jean-Louis Fort avant lui, à l’histoire d’une organisation, sans perspective critique de son fonctionnement ni de ses limites. Le magistrat François Badie se lance dans une étude de la législation avant, heureusement, d’en revenir au sujet de son chapitre, à savoir la corruption dans les entreprises. Il est ainsi intéressant de suivre les cas de grands groupes français (Alstom, Total, Technip, Alcatel) face à la législation américaine du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), cas d’école d’extraterritorialité législative. Enfin, le livre se clôt sur un chapitre de Philippe Poiget, expert en assurance, tout à fait dispensable, qui, tout au long de son texte, explique que le secteur de l’assurance n’est pas concerné par ces maux, et que les diligences sont à voir du côté du milieu bancaire. Il eût été intéressant d’évoquer le cas des sociétés captives d’assurance aux îles Caïmans, véritable fléau de la fraude fiscale par exemple.

L’ouvrage présente donc de nombreuses limites, et déçoit le lecteur quant à la promesse du titre. La réédition de l’excellent La Richesse cachée des nations de Gabriel Zucman sur la fraude fiscale, ou du livre d’Éric Vernier Techniques de blanchiment et moyens de lutte permettront au lecteur de trouver une réelle mise en perspective et des solutions originales à ces fléaux.

Vincent Piolet

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