Le 13 février, le journaliste Philippe Bernard a dédié sa chronique dans Le Monde à l’état des relations entre la France et le Mali, tendues, à quelques semaines des élections présidentielles françaises. Il y cite le dossier « Sahel : les sociétés contre l’État ? », publié dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n° 4/2021).

« Une humiliation diplomatique et militaire en Afrique. Emmanuel Macron n’avait pas besoin de cela à quelques semaines de l’élection présidentielle. Les officiers putschistes au pouvoir à Bamako qui expulsent l’ambassadeur de France et attisent les sentiments antifrançais savent parfaitement à quel point la période est sensible. Les responsables russes qui déploient les miliciens du Groupe Wagner au nez et à la barbe des soldats français ne l’ignorent pas non plus.

Que cherchent-ils exactement ? Pousser dehors les Français ? La junte malienne cultive l’ambiguïté, qui reproche à Paris de l’« abandonner en plein vol » en réduisant les effectifs de l’opération « Barkhane », tout en donnant des signes d’hostilité de plus en plus nets vis-à-vis de la France. Quant aux Russes, ils veulent à la fois prendre pied au Mali, protéger la junte en échange de contrats miniers, et piéger Emmanuel Macron. Avec, pour l’heure, deux premiers résultats irréfutables : le Mali s’est imposé dans les débats de la présidentielle française et Paris ne peut plus remettre les décisions difficiles à l’après-élection. Repli ? Redéploiement ? Une direction doit être indiquée, probablement lors du sommet Union africaine-Union européenne des 17 et 18 février, car le statu quo n’est pas une option.

Nul besoin de fouiller dans des archives anciennes pour mesurer l’ampleur des illusions et des malentendus qui ont abouti à ce grand gâchis. Vu de France, le Mali n’était-il pas perçu, dans les années 1990 et 2000, comme une vitrine des nouvelles démocraties pluralistes africaines ? Un pays où des militaires avaient remis le pouvoir à un président élu et où des milliers d’ONG franco-maliennes donnaient l’exemple d’une coopération pour un développement construit sur le terrain ? Après avoir fermé les yeux sur la corruption à grande échelle et les impasses d’un pouvoir ami, Paris n’a pas anticipé l’une des conséquences désastreuses de l’intervention militaire de 2011 en Libye, qui, en faisant éclater ce pays, a libéré une masse d’armes et de combattants, source de l’embrasement du Mali.

Un régime issu d’un coup d’État

Avec le recul, les communiqués de victoire accompagnant l’intervention française de janvier 2013, la libération triomphale de Tombouctou, – « le plus beau jour de [s]a vie politique », selon François Hollande – reflètent le décalage entre la réalité des événements africains et leur perception par les politiques et les militaires français. […]

Le même aveuglement a empêché d’admettre la religiosité croissante de la société. « Ni les élites laïques [locales] ni leurs partenaires internationaux ne semblent prendre la mesure des changements en cours », constate le politologue Ibrahim Yahaya Ibrahim dans Politique étrangère. Conséquence : les bailleurs de fonds conditionnent leur aide à des réformes sociétales qui apparaissent contraires aux valeurs locales et font apparaître les États « comme des entités étrangères à leurs propres sociétés », nourrissant l’ambition des chefs religieux à exercer le pouvoir à un moment où celle-ci « n’a jamais été aussi affirmée ». […]

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