Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2023 de Politique étrangère (n° 4/2023). Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Mike Martin, How to Fight a War (Hurst, 2023, 272 pages).

How to Fight a War se veut un manuel pratique à destination d’un décideur militaire, décomposant phase par phase la préparation, la planification et la réalisation d’une opération, tout en détaillant les spécificités liées à chaque milieu. Mike Martin commence par insister sur la nécessité absolue de disposer d’une stratégie réaliste et cohérente, adaptée non aux conflits souhaités mais aux conflits craints. Cette stratégie doit s’appuyer sur un triptyque invariant de buts, de méthodes et de moyens permettant sa concrétisation et, in fine, l’imposition de ses propres objectifs à l’adversaire. Il détaille ensuite le rôle du renseignement, de la logistique, de l’entraînement et du moral : quatre phases préparatoires indispensables à toute opération, quel qu’en soit le milieu. Il s’attarde ensuite brièvement sur ceux-ci, des trois milieux classiques (terre, mer, air) aux plus récents (espace, informationnel et cyber). Un passage est aussi dédié à la spécificité des armes dites « NRBC » (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) pour mettre en valeur le rapport souvent ambigu entre leur potentielle efficacité et l’aspect immoral de leur usage. Enfin, le dernier chapitre est consacré à la conduite de l’opération, entre préparation du terrain, phases d’attaque, de défense et de manœuvre.

La conclusion insiste sur le fait que la guerre reste jusqu’à aujourd’hui une affaire humaine, et que les questions de morale, de logistique et d’entraînement en sont les invariants – donnée qu’une trop grande confiance en la technologie a pu faire perdre de vue aux décideurs politiques. L’auteur ouvre néanmoins une porte d’avenir en évoquant les progrès de l’Intelligence artificielle, qui pourraient à terme bousculer en profondeur la prééminence de ces invariants et conduire à un changement radical.

Si l’ouvrage n’a qu’un apport limité pour un lecteur averti comme un officier formé, il s’agit d’une excellente synthèse quasi exhaustive pour qui souhaite disposer d’une base solide quant à la manière d’envisager des opérations militaires pour, ensuite, développer une connaissance plus poussée sur l’un ou l’autre des éléments abordés. Il s’agit donc d’une entrée en matière didactique illustrée d’une foule d’exemples historiques – qui trahissent souvent la nationalité britannique de l’auteur en abordant des conflits peu connus de ce côté de la Manche, comme l’intervention britannique au Sierra Leone au début des années 2000, l’opération Palliser.

Le souci de concision concrète de l’ouvrage ne lui épargne cependant pas quelques affirmations péremptoires, peu étayées, qui, sans être fondamentalement fausses, fragilisent parfois son argumentation, tant elles s’avèrent décisives dans sa démonstration. Les nombreux exemples historiques, s’ils permettent d’ancrer les démonstrations dans le réel, n’échappent pas non plus à certains clichés de l’historiographie britannique, notamment liés à la Seconde Guerre mondiale, que les historiens ont grandement nuancée voire retournée ces vingt dernières années. La série d’opérations de deception menées par les services britanniques pour couvrir le débarquement allié en Sicile puis en Normandie, notamment celle connue sous le nom d’opération Mincemeat, est ainsi utilisée en exemple à plusieurs reprises, quand les progrès de la recherche ont démontré que leur efficacité et leur importance dans le déroulement du conflit devaient être relativisées.

Léo Péria-Peigné

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