Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Denis Bauchard, ancien ambassadeur et conseiller pour le Moyen-Orient à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Xavier Driencourt, L’énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger (L’Observatoire, 2022, 256 pages).
Xavier Driencourt a la particularité d’avoir été ambassadeur deux fois au même poste : Alger, pour la France un des plus sensibles du réseau diplomatique. Il fait un premier séjour de 2008 à 2012 puis un second de 2017 à 2020, ce qui lui a donné, comme le ministre des Affaires étrangères algérien le lui a déclaré, une « longueur d’avance » pour décrypter un pays complexe qui entretient avec la France des relations spéciales, où se côtoient attraction et rejet. L’Algérie n’est pas « un partenaire banal » : compte tenu de l’histoire, sa relation avec la France relève à la fois de la diplomatie et de la politique intérieure. C’est pourquoi ce poste est toujours confié à des diplomates expérimentés. De fait, le témoignage et l’analyse que nous propose l’auteur allient une connaissance approfondie de ce pays, une vraie empathie et la lucidité sur une relation plus tendue que sereine.
Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 dePolitique étrangère (n° 2/2022). Hugo Le Picard, chercheur au Centre Énergie de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Juan Flores Zendejas, Norbert Gaillard et Rick J. Michalek, Moral Hazard: A Financial, Legal and Economic Perspective (Routledge, 2022, 230 pages).
Cet ouvrage collectif s’articule autour d’un concept économique essentiel : l’aléa moral, qui décrit une situation où une entité économique accroît sa prise de risque lorsqu’elle est partiellement ou complètement protégée de ses conséquences, par un dispositif d’assurance ou par un système de garantie explicite ou implicite.
Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Sina Schlimmer, chercheuse au Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Monique Bertrand, Bamako. De la ville à l’agglomération (IRD Éditions, 2021, 340 pages).
Plus de trente ans de recherche sur la capitale malienne nourrissent un volume au format original qui propose sur 300 pages plus de 100 tableaux et infographies, une centaine de cartes et de planches, et plusieurs dizaines de photos documentant les multiples variables spatiales, socio-économiques et démographiques de la transformation rapide d’une métropole ouest-africaine en pleine expansion (avec un taux de croissance urbaine de 5 % par an).
En un temps où l’expansion des villes africaines fait couler quelque encre, et où les concepts urbains deviennent de plus en plus abstraits (villes « vertes », « intelligentes », « durables », etc.), la publication d’un atlas monographique, riche en données empiriques, est rafraîchissante : la présentation imagée et cartographiée de l’analyse rend concrètes et presque tangibles les « dynamiques urbaines » à l’œuvre dans la capitale malienne. Le lecteur est immergé dans le quotidien urbain à Bamako, des scènes de vie dans les cours des copropriétés du centre-ville aux transactions foncières dans le cercle périurbain de Kati.
Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Jean-Loup Samaan propose une analyse de l’ouvrage de Mara E. Karlin, The Inheritance: America’s Military after Two Decades of War (Brookings Institution Press, 2022, 320 pages).
Alors que le débat stratégique semble à Washington accaparé par la compétition stratégique entre les États-Unis d’un côté et la Chine et la Russie de l’autre, le livre de Mara E. Karlin vient nous rappeler combien la guerre contre le terrorisme a façonné l’armée américaine au cours des vingt dernières années. L’ouvrage se présente comme un véritable audit de l’outil de défense à l’aune de deux décennies de conflits au Moyen-Orient. Le propos de Karlin se veut donc moins géopolitique que sociologique. Laissant temporairement de côté la question éternelle des priorités stratégiques américaines entre Asie, Europe et Moyen-Orient, l’auteur se penche sur les traces laissées par les guerres d’Irak et d’Afghanistan sur le moral des troupes, ainsi que sur le processus décisionnel du Pentagone.
Certaines problématiques de The Inheritance sont déjà bien connues. L’auteur évoque ainsi les querelles entre décideurs civils et militaires. Elle rappelle l’épisode au cours duquel l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates donne la priorité aux ressources allouées à l’armée de Terre en Irak, au risque de s’attirer les foudres de l’armée de l’Air. Elle évoque aussi les vives oppositions, sous Barack Obama, entre la Maison-Blanche et la hiérarchie militaire autour du surge afghan en 2009. L’auteur revient enfin sur la célébrité, éphémère, de David Petraeus, pour mieux montrer les dérives impliquées par la « militarisation » de la politique étrangère américaine de ces dernières années.
Pour conduire ce travail, Karlin s’est appuyée sur une impressionnante série d’entretiens avec des officiers et cadres civils du département de la Défense, qui lui permet de saisir au plus près les tensions et les frustrations de l’armée américaine. La mobilisation de ces nombreux témoignages enrichit l’analyse, et la place à mi-chemin entre l’essai de sociologie militaire et le rapport ethnographique. L’originalité du livre vient aussi de la connaissance intime de son auteur pour le Pentagone : au cours des deux dernières décennies, Karlin a alterné entre des postes à l’université Johns Hopkins et au cabinet du secrétaire à la Défense. Avant même la parution de The Inheritance, elle a d’ailleurs à nouveau retrouvé le Pentagone en qualité d’Assistant Secretary of Defense, supervisant plus particulièrement la production de documents comme la National Defense Strategy.
L’enquête menée par Karlin relève d’une sociologie critique mais compréhensive de l’armée américaine. Sa ligne intellectuelle se veut bienveillante et surtout non partisane (prenant soin de rappeler les torts à la fois des administrations démocrates et républicaines). Les pages les plus saisissantes du texte voient Karlin interroger des officiers, jeunes mais aussi plus âgés, qui ne lui cachent pas leur sentiment d’incompréhension quant à ce que la guerre contre le terrorisme a pu représenter pour eux, pour l’ensemble de la communauté militaire, et en particulier pour ceux qui ont sacrifié leur vie en son nom. L’amertume est alors palpable dans les témoignages recueillis. Bien que le texte ait été écrit avant le retrait américain d’Afghanistan, il est difficile de ne pas voir dans ce désarroi un écho des émotions suscitées par l’évacuation de Kaboul à l’été 2021.
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