Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Aurélie Faure-Schyuer propose une analyse de l’ouvrage de Pierre-Noël Giraud et Timothée Ollivier, Économie des matières premières (Paris, La Découverte, 2015, 128 pages).
L’esprit des pionniers de la géologie, qui anima André Giraud et les fondateurs de l’économie des matières premières en France, inspire cet ouvrage. Après avoir rappelé la définition des « commodités » (commodities) et relaté les grandes étapes du développement des marchés de matières premières depuis la révolution industrielle, les auteurs retracent les fondements théoriques des sciences économiques appliquées au secteur des matières premières (principalement pétrole, cuivre, charbon et matières premières agricoles). Ils présentent les structures théoriques de formation de l’offre, comme celle de la demande, pour l’ensemble de ces matières puisées dans les ressources naturelles. Nombre d’éléments importants sont ici fournis, qui permettent de comprendre la sensibilité, ou l’élasticité, qui peut amener à des variations de l’offre ou de la demande, jusqu’à des « chocs » provoquant un effondrement ou une accélération haussière des prix (illustrés lors des chocs et contre-chocs pétroliers de 1973, 1987, 2007).
À travers la rareté des ressources, les contraintes techniques liées à la géologie, ou la possibilité de substitution future d’une matière première à une autre, se trouvent évoquées les interactions entre le monde de la géologie et celui du marché financier, principal apporteur de capitaux. Au début des années 2000, une association de géologues à l’origine de la théorie du peak oil, assurait que le rythme d’exploitation des ressources pétrolières nous amènerait à un « pic » de production pétrolière. Giraud et Ollivier pensent quant à eux que cette théorie de la rareté ne permet pas de prédire un horizon d’épuisement des réserves connues à un moment donné, compte tenu des facteurs à venir de substitution sur l’offre et des évolutions de la demande.
Deux enjeux liés au développement des marchés de matières premières sont finalement discutés. Le premier est le développement de la spéculation, dont les causes sont souvent attribuées aux acteurs intervenant sur les marchés de matières premières. On se souviendra des manipulations sur le cuivre ou l’électricité (Sumitomo en 1996 ou Enron en 2001), bien qu’elles ne soient pas évoquées dans l’ouvrage. Le second enjeu tient à la rareté des matières premières, à son impact sur les prix des denrées alimentaires et le développement économique, ainsi qu’aux limites des politiques climatiques visant à atténuer la production d’énergies fossiles émettrices de gaz à effets de serre.
Cet ouvrage a pour intérêt de définir les frontières des marchés de matières premières, et de rappeler les prérogatives essentielles de ces marchés, qui constituent un facteur d’ajustement des cycles économiques, un élément anticipatif et une source d’informations. Autant de connections à l’économie physique sous-jacente des matières premières.
Aurélie Faure-Schuyer
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