Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n° 4/2019). Hugo Le Picard propose une analyse de l’ouvrage d’Edwin Zaccai, Deux degrés. Les sociétés face au changement climatique (Presses de Sciences Po, 2019, 280 pages).

Edwin Zaccai est professeur à l’Université libre de Bruxelles, où il dirige le Centre d’études du développement durable (CEDD). Il a également enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris en tant que maître de conférences. Spécialiste des questions de développement durable et des enjeux liés à la transformation des sociétés face aux évolutions environnementales, il revient dans cet ouvrage sur les défis du changement climatique. Sous le prisme d’une analyse pluridisciplinaire mêlant sciences, sociologie, politique et économie, il met en exergue les difficultés qu’éprouvent nos sociétés à contenir la menace du réchauffement climatique, et à y faire face.

Cet ouvrage paraît à l’été 2019, alors que les effets néfastes du réchauffement climatique se font de plus en plus inquiétants (vague de chaleur en Europe et en Amérique du Nord, stress hydrique en Inde, nouveau rapport alarmant sur le recul de la cryosphère…), que la mobilisation citoyenne progresse mais que les efforts en matière de baisse des émissions demeurent encore trop faibles. Le livre d’Edwin Zaccai s’inscrit à un tournant de la transition énergétique mondiale, et se démarque comme un ouvrage de référence pour mieux comprendre ses enjeux, ses obstacles et ses solutions.

La première partie du livre décrit l’augmentation continue de la température depuis plus de deux décennies et l’atteinte de moins en moins réalisable des objectifs successivement fixés de limitation de ces augmentations : hier de + 1 °C, aujourd’hui de + 1,5 °C, demain de + 2 °C… Puis, de façon méthodique, il cherche à comprendre les raisons de cet échec, en décortiquant la dépendance structurelle (matérielle, économique, culturelle) de nos sociétés au carbone. Il s’appuie sur une documentation très dense et utilise de nombreux exemples concrets pour illustrer ses propos. L’auteur varie aussi les échelles d’études : il passe d’analyses macroéconomiques à des interrogations sur les contradictions qui s’expriment au sein même de chaque individu en termes de lutte contre le changement climatique, à l’aide de concepts originaux comme celui de « dissonance cognitive » en psychologie sociale.

Si les deux premières parties de l’ouvrage sont, de par leur caractère objectif, fondamentalement pessimistes – il annonce d’emblée que l’objectif de limiter l’augmentation des températures à + 2 °C ne sera très probablement pas atteint –, l’auteur se refuse à l’inaction et expose dans les troisième et quatrième parties les réponses et actions qui peuvent être menées pour diminuer la gravité du changement climatique.

En dépit d’un important effort de simplification, certains passages de ce livre peuvent sembler difficiles d’accès pour un lecteur non avisé. Cependant, la complexité des questions environnementales abordées rend impossible une trop grande vulgarisation, qui ne pourrait se faire qu’au travers de raccourcis dangereux. La lecture de cet ouvrage est donc vivement recommandée à tout lecteur qui s’intéresse de près au plus grand défi de notre temps.

Isabelle Facon

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